La guerre des pauvres

A travers des phrases-chocs ou des proposi­tions-tests avancées par des ministres ou des parlementaires UMP en mission, les thèmes et les cibles de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy se précisent. Tout ce qui sera susceptible d’agglomérer les voix les plus à droite à celles de femmes et d’hommes en perte d’espoir collectif sera bon à prendre. Pour tenter de se succéder à lui-même en 2012, le président sortant (soutenu seulement par un français sur trois), cherche son salut dans la division. Si les salariés, qui ont du mal à joindre les deux bouts, pouvaient se retourner contre leurs voisins plus pauvres qu’eux, au lieu de demander des comptes aux actionnaires et aux grands patrons, Sarkozy aurait partie gagnée. 
Le RSA (revenu de solidarité active) est devenu le symbole de «la France des assistés». Une enquête du Figaro Magazine véhicule les pires anecdotes de comptoir pour marteler que les allocataires des 470 euros mensuels du RSA seraient des profiteurs scotchés sur leur canapé et passant leurs vacances à Bali aux frais de «ceux qui tirent leurs revenus du travail». Le mépris de classe n’est pas chose nouvelle. Mais aujourd’hui, cette campagne, dont le Figaro Magazine donne le ton idéologique, vise à désolidariser le salarié mal payé du chômeur contraint de survivre avec des allocations. Tant que le débat reste à ce niveau, le gouvernement est tranquille et les patrons sont exonérés de toute responsabilité dans la politique de bas salaires. Les 8 millions de travailleurs pauvres, les 13 % de Français qui galèrent en dessous du seuil de pauvreté sont le résultat de la politique de soumission aux marchés financiers et au Medef. C’est ce que la démagogie de la droite sarkozyenne tente de cacher derrière un écran de fumée. En déclarant que «l’assistanat est le cancer de la société française», Laurent Wauquiez n’a pas commis un écart de langage, mais lancé un ballon d’essai à destination de l’opinion de droite et d’extrême droite. La proposition de Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP de contraindre les chômeurs de longue durée à des heures de travail gratuit, vise à entretenir le climat de suspicion et les réflexes simplistes et à encourager le popu­lisme.
Pendant ce temps, plus discrètement, les députés débattent du projet du gouvernement d’allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Mais solidarité bien ordonnée commence par sa caste. Derrière le jeu de rôle au sein de la majorité parlementaire sur la prise en compte, ou non, des œuvres d’art dans le patrimoine imposable, une chose est sûre: les nantis seront largement récompensés de la suppression du bouclier fiscal. Et dans ce domaine, l’assistance que leur prodigue la société ne se mesure pas en centaines d’euros, mais en dizaines voire en centaines de milliers de cadeaux fiscaux.

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