Tour de passe-passe

Ou comment toucher 300 millions d'euros sans rien devoir au fisc?

La société holding Thétys qui porte la participation de la famille Bettencourt dans l'Oréal (n° 1 mondial des cosmétiques) va racheter à Françoise Bettencourt et à sa mère Liliane 380 000 de ses propres titres pour 341 millions d'euros: soit 300 millions pour Françoise Bettencourt et 41 millions pour sa mère.

Cela n'a rien à voir avec les soupçons d'évasion et de fraude fiscales qui ont défrayé la chronique l'été dernier et stoppé la carrière du ministre Eric Woerth. Il s'agit d'un procédé légal, une "optimisation fiscale". C'est une astuce qui démontre une connaissance experte des arcanes de la fiscalité française qui permet de faire ce tour de passe-passe.
Plutôt que de verser directement ces 300 millions sur lesquels elle aurait du s'acquitter soit de l'impôt sur les plus-values (31%) soit de celui sur les dividendes (19%) la société Thétys va emprunter la somme à la banque. Elle l'inscrira dans les comptes de société comme une "réduction de capital" détenu par ses actionnaires, les Bettencourt. Bilan de l'affaire une restitution de 341 millions ou "rachat fictif" d'actions.
Mais Thétys devra payer des intérêts d'emprunts! Pas de problème, tout est prévu: ces charges sont déductibles de l'impôt sur les sociétés! Mieux, la holding ne devrait plus payer cet impôt puisque par ce rachat, elle diminue son ratio capital/dettes (le capital baisse tandis que l'endettement grimpe).
Bien sûr, Françoise Bettencourt devra payer 6 millions d'€ que devraient lui rapporter ces 300 millions sur 5 ans, mais elle se consolera en songeant aux 75% d'abattement sur le "patrimoine professionnel" sur sa déclaration d'impôt sur la fortune...
Nous (les simples citoyens qui calculons pour aboutir à une réduction de quelques centaines d'euros au mieux, sur notre feuille d'impôts) ne vivons vraiment pas dans le même monde. Et nous avons bien du mal à imaginer ce que représentent de telles sommes. Pour mieux comprendre, j'ai fait quelques calculs: 300 millions d'euros c'est environ l'équivalent de 25 000 SMIC annuels ou de 17 000 pensions annuelles moyennes de retraite ou bien de 12 000 salaires annuels d'enseignants en fin de carrière.
Cet exemple prouve encore une fois que les thèses sur l'absence d'argent pour l'emploi, les salaires, les retraites, les services publics, le logement social... sont des tromperies. C'est d'autant plus inacceptable quand tant d'hommes et de femmes ne parviennent pas à boucler les fins de mois. Il est grand temps de modifier les choix politiques qui aboutissent à de telles injustices  Il est indispensable de prendre l'argent qui existe pour construire un avenir plus solidaire pour tous.

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