Une foule immense, une vraie
colère, une espérance qui se lève. La manifestation appelée hier par le Front
de gauche amorce une nouvelle période. Un an après l’élection de François
Hollande, le désenchantement a envahi ses électeurs et gagne au cœur du Parti
socialiste.
La rengaine de l’austérité obligatoire est répétée
par les gouvernants comme un puissant anesthésiant. «Cette fatalité
promulguée, écrivait Jaurès, éveille, avec toutes les inquiétudes, tous les
appétits et toutes les insolences.» Celles des hiérarques sarkozystes, qui
tentent de se refaire une virginité sur le dos des échecs du ministère Ayrault.
Pire, le Front national avoue ses ambitions, tirer profit des renoncements du
pouvoir et du désespoir de ceux qui rêvaient de changement, pour mettre en
place une politique bleu-blanc-brun…
Les dirigeants du PS qui agitaient hier le
spectre des années 1930 devraient se souvenir sur quels fonds de démissions
politiques et de troubles relations avec l’argent se sont construites les
ascensions fascistes. Et puis voilà qu’une nouvelle fois les foules de la
Bastille rejoignent la Nation, qu’ainsi la République sociale se dresse comme
une incarnation de l’intérêt général, de l’intérêt national. Ne nous y trompons
pas: on parle ici de départ et non point d’arrivée. Le rassemblement des forces
vives de la gauche, visible hier avec Eva Joly et des responsables écologistes,
appréciable avec des militants ou sympathisants du PS, doit prendre une ampleur
bien supérieure pour faire pièce à la coalition des bénéficiaires de
dividendes, des propriétaires du CAC 40, des oligarques européens, et des
grands prêtres
de l’austérité. Mais c’est désormais à l’ordre du jour.
«Une vague rouge qui déferle», notait en direct I-Télé hier. Autre chose que les
troupes maigrelettes des homophobes regroupés place Vauban et même que les
rangs clairsemés du FN, le 1er Mai. C’est une démonstration que le peuple
français n’est pas fourbu, harassé et éteint. La force qui s’est exprimée en
2012 pour renvoyer Nicolas Sarkozy ne s’est pas évanouie; elle peut à nouveau
se retrouver. C’est à quoi rêvait à haute voix Eva Joly, hier. C’est ce que
prédisait Jean-Luc Mélenchon. C’est à quoi Pierre Laurent veut destiner des
assises pour le changement, le 16 juin. Lorsque la foule criait hier «résistance»,
ce n’était pas dos au mur, réduite à se défendre, mais en dessinant les chemins
qui briseraient la domination de la finance internationale, les cercles vicieux
de l’austérité, l’autoritarisme des cercles dirigeants de l’Union européenne.
La VIe République pour laquelle il faut désormais rassembler une majorité
en tracera les cartes.
Edito de Patrick Appel-Muller publié dans l’Humanité du 6 mai 2013
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