Comment
interpréter le sondage BVA sur Jean-François Copé publié par le Parisien? Les
chiffres paraissent sans appel: 78 % des sondés jugent le président de l’UMP
«trop perso», 70% «arriviste», 60% «démagogique» et «autoritaire», etc.
Cette image
contraste avec celle de Marine Le Pen telle que décrite par un sondage Sofres
publié par le Monde en janvier. Elle apparaissait alors comme «volontaire» à
81%, «capable de rassembler son camp» à 53%, comprenant «les problèmes des Français»
à 49%, etc. À ce stade, chacun pourrait se dire que Marine Le Pen est
dédiabolisée, apte à passer électoralement devant une droite à l’image
exécrable.
Or, il
s’avère que les réponses proposées pour la présidente du FN étaient toutes
positives. Jean-François Copé subit le traitement inverse: le sondé est tout
d’abord soumis à une litanie de tares, avant que de se voir proposer des
qualificatifs positifs. Il va sans dire que les biais produits par ces réponses
formatées sont puissants, le sondé n’étant pas libre de se prononcer sur les
qualités et défauts des personnalités qu’il doit apprécier.
Au final,
avec ces sondages, nous ne savons pas ce que les sondés pensent. Ce que nous
savons, c’est que l’on a produit une image positive de l’une, et négative de
l’autre. Non tant pour nous manipuler, que par souci de correspondre
commercialement aux demandes sociales. C’est donc une coproduction entre «eux»
et «nous», avec un effet politique: la fabrique de consensus. Pourtant, cette
réalité qui est produite par les sondages n’a pas de réalité en soi. Elle est
un artefact. Pierre Bourdieu avait expliqué cela en une formule provocatrice
restée fameuse: «L’opinion publique n’existe pas.» En fait, il existe
d’excellentes enquêtes d’opinion. Elles constituent un véritable apport aux
sciences sociales. Il existe des sondages très discutables, et il serait peut-être
temps de réaffirmer ce que les instituts et les médias ont le droit de faire et
de ne pas faire.
* article de Nicolas Lebourg (historien spécialiste de l'extrême droite
et du fascisme à l'Université de Perpignan) paru dans l'Humanité du 29
octobre 2013
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