Lancé ce mardi à l’initiative d’associations, de magistrats, d’avocats
et de chercheurs, l’Observatoire des libertés et du numérique entend dénoncer
les dérives de la surveillance massive de la population.
Écoutes
massives, fichiers de citoyens tellement nombreux que plus personne ne peut les
dénombrer, généralisation de l’identification biométrique… C’est à toutes ces
atteintes aux
libertés que souhaite s’attaquer l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) lancé aujourd’hui par un collectif d’associations et de syndicats (lire ci-dessous). En constatant que les révélations d’Edward Snowden n’avaient servi qu’à décomplexer l’exécutif français, Dominique Guibert, secrétaire général de la LDH, s’alarme: «Plutôt que de remettre en cause le traité transatlantique, le gouvernement fait voter la loi de programmation militaire qui fixe un cadre légal aux écoutes généralisées en France.» Une mesure qu’aurait peut-être pu retoquer le Conseil constitutionnel, mais «on n’a pas pu trouver 60 parlementaires pour signer ensemble la saisine». «Le rapport entre liberté et numérique n’est pas technique, mais politique», appuie-t-il. La plate-forme nationale d’interceptions judiciaires, héritée de l’ère Sarkozy, en est un autre triste exemple. Toutes les écoutes téléphoniques, étendues aux SMS et communications Internet, vont se retrouver centralisées dans les locaux d’une même entreprise privée: Thales. Pour un coût, selon Christiane Taubira, de 47 millions d’euros par an. L’OLN réclame l’abandon de ce projet.
libertés que souhaite s’attaquer l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) lancé aujourd’hui par un collectif d’associations et de syndicats (lire ci-dessous). En constatant que les révélations d’Edward Snowden n’avaient servi qu’à décomplexer l’exécutif français, Dominique Guibert, secrétaire général de la LDH, s’alarme: «Plutôt que de remettre en cause le traité transatlantique, le gouvernement fait voter la loi de programmation militaire qui fixe un cadre légal aux écoutes généralisées en France.» Une mesure qu’aurait peut-être pu retoquer le Conseil constitutionnel, mais «on n’a pas pu trouver 60 parlementaires pour signer ensemble la saisine». «Le rapport entre liberté et numérique n’est pas technique, mais politique», appuie-t-il. La plate-forme nationale d’interceptions judiciaires, héritée de l’ère Sarkozy, en est un autre triste exemple. Toutes les écoutes téléphoniques, étendues aux SMS et communications Internet, vont se retrouver centralisées dans les locaux d’une même entreprise privée: Thales. Pour un coût, selon Christiane Taubira, de 47 millions d’euros par an. L’OLN réclame l’abandon de ce projet.
Le
fameux fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) est une
autre source d’inquiétude, dénoncée par Chantal Enguehard, informaticienne au
Creis. Créé pour recenser les auteurs de crimes sexuels sur mineurs de moins de
quinze ans, ce fichier a été étendu en 2003 à tous les auteurs et suspects de
crimes et délits. Le Fnaeg est passé en quelques années de 15 000 entrées
à plus de 2,2 millions. Dont 70 % de «non-condamnés», à l’image des cinq
militants CGT de Roanne. «Beaucoup de policiers ont l’impression que plus le
fichier sera grand, plus il sera efficace, poursuit Chantal Enguehard. Or, dans
ces fichiers, il ne faudrait stocker que les données absolument nécessaires et
ne les garder qu’un temps limité. Dans le Fnaeg, l’ADN est conservé vingt-cinq
ans pour les suspects et quarante pour les condamnés. Et obtenir une
suppression est quasi impossible.»
Atteinte à la présomption d’innocence
Consultés
lors d’enquêtes administratives préalables à certains emplois, ces fichiers
représentent une atteinte à la présomption d’innocence, selon Céline Curt, du
Syndicat des avocats de France. «Il faut de plus rester vigilant contre la
centralisation des fichiers, ajoute l’avocate. La loi Informatique et libertés
l’interdit, mais il y a aujourd’hui plus de 80 fichiers, rien que pour la
police et la justice ; et les interconnexions se multiplient.» L’OLN se veut
aussi attentif aux progrès techniques : la reconnaissance faciale, qui vient
transformer la vidéosurveillance, ou encore les empreintes biométriques, qui
entendent s’inviter jusque dans les cantines françaises, au grand bénéfice de
groupes industriels tels que Morpho (filiale de Safran)…
L’Observatoire
se veut-il un substitut à une Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) jugée défaillante? Ses fondateurs
s’en défendent, préférant axer leur activité sur l’information du public comme
des politiques. Le manque de moyens et le caractère simplement «consultatif»
des avis de la Cnil sont toutefois lourdement soulignés.
Un collectif qui veut s’agrandir Le Centre d’études citoyenneté information et libertés (Cecil),
le
Creis-Terminal (Centre de coordination pour la recherche
et l’enseignement en informatique
et société), la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Syndicat de la
magistrature et le Syndicat
des avocats de France (SAF) sont les membres
fondateurs de l’OLN. Un collectif qui espère s’agrandir : une proposition a
ainsi été faite à la Quadrature du Net. L’Observatoire va aussi conjuguer ses
efforts avec l’Association européenne pour la défense des droits
de l’homme,
notamment pour informer les députés européens.
*article de Pierric Marissal publié dans l'Humanité du 28 janvier 2014
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