Affaire Dieudonné...

La loi Gayssot, un outil mal employé
Faut-il renforcer l’arsenal juridique contre les propos antisémites, alors que les tribunaux administratifs de Nantes et Orléans se prononcent ce jeudi sur la tenue des spectacles de Dieudonné? Les juristes en doutent: la loi Gayssot reste la mieux adaptée.

Avant d’en arriver à faire interdire les spectacles de l’humoriste, les pouvoirs publics pouvaient veiller à simplement faire respecter la loi existante. La loi Gayssot, promulguée le 13 juillet 1990, vise à «réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe». Elle venait à l’époque compléter la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, en rappelant que «toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite». Les contrevenants risquent des peines d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.
Prison ferme
Parmi les juristes invités à joindre leurs voix au concert d’indignations, quelques-uns ont rappelé l’existence de ce texte, dont l’accouchement fut difficile, défendu à l’Assemblée nationale par le député communiste Jean-Claude Gayssot et à la Haute Assemblée par le sénateur communiste Charles Lederman. C’est le cas de Pierre-Olivier Sur, nouveau bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris. Invité lundi matin d’Europe 1, le pénaliste a estimé qu’il fallait simplement «appliquer la loi Gayssot». Rappelant qu’elle «permet de la prison ferme pour les appels à la haine et l’antisémitisme», il a regretté que «des poursuites ne soient pas immédiatement orchestrées contre Dieudonné». Incompréhension partagée.
Loi antirévisionniste
L’humoriste a d’ailleurs eu plusieurs fois affaire avec cette loi. Dans les prétoires, mais aussi en dehors. En 2010, au nom de la «liberté d’expression», il avait signé une pétition contre elle. À l’occasion de ses vingt ans, une brochette de représentants de l’extrême droite (de François Brigneau, ex de Minute, au créateur du concept de «préférence nationale», Jean-Yves Le Gallou, en passant par le négationniste ami de Dieudonné, Robert Faurisson) avaient ainsi demandé son abrogation. Détail intéressant: ce dernier désignait parfois la loi Gayssot sous le nom de «loi Fabius-Gayssot». Dans un entretien accordé à l’Institute of Historical Review, principal organisme révisionniste du monde, Faurisson déclare que «nous l’appelons parfois “loi Gayssot”, ce qui est le nom d’un communiste, mais parfois nous l’appelons aussi “loi Fabius-Gayssot”. Fabius est un juif très riche, il est socialiste mais extrêmement riche. Donc, la loi antirévisionniste de 1990 est une loi judéo-socialo-communiste». Des propos qui tombent sous le coup de la loi… mais que Dieudonné n’a jamais condamnés.
* article de Grégory Marin publié dans l'Humanité du 9 janvier 2014

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