Leçons d'Irlande, Espagne, Grèce et Portugal
Il est intéressant d’observer l’évolution de pays de
la zone euro soumis depuis un certain temps à des plans drastiques de baisse
des dépenses publiques et sociales et qui ont été les premiers plongés dans le
bain glacé des politiques de baisse du coût du travail.
Les données publiées par l’institut de statistiques
de l’Union européenne, Eurostat, montrent que des populations comme celles de
l’Irlande, de l’Espagne, de la Grèce, du Portugal, éreintées par des plans de
sauvetage des banques et des capitaux et soumises à des politiques antisociales
et antisalariales, ne parviennent pas à sortir la tête de l’eau.
Dans ces quatre pays, les salaires ont subi un
véritable matraquage gouvernemental et patronal. En Irlande, le coût salarial
par unité de valeur ajoutée produite, appelé coût salarial unitaire, est, en
2012, inférieur à ce qu’il était en 2005 alors qu’il avait progressé de 15%
entre 2005 et 2008. Dans les pays du Sud, même constat. En Grèce, où le coût de
la main-d’œuvre pour les entreprises est deux fois inférieur à ce qu’il est en
France, le coût salarial unitaire a baissé de 8% par rapport à 2009. En
Espagne, il a reculé de 6%, au Portugal de 5%. En outre, en Espagne, en Irlande
et en Grèce, les prélèvements sociaux et fiscaux, essentiellement sur les
entreprises, ont baissé de 2 à 3 points en 2013 par rapport à 2000.
Ces
reculs ont-ils permis à ces pays de sortir des difficultés? Les exportations y
progressent, la belle affaire! Le chômage continue de les accabler. Son taux
est de 28% en Grèce, 26,3% en Espagne, 16,5% au Portugal, 13,8% en Irlande
alors qu’il est, en moyenne, de 12,1% dans la zone euro. Le risque de pauvreté
atteint des sommets en Grèce et au Portugal: 20,9% pour l’une, 20,6% pour
l’autre, contre 16% au sein de l’Union européenne. Cela a-t-il permis de
redresser l’efficacité économique? La croissance y est faible, voire continue
d’être négative. Sauf en Irlande, où les «petits boulots» expliquent la
progression, l’emploi y cède du terrain. C’est dans ces pays, en outre, que la
dette publique a le plus augmenté entre 2012 et 2013: 18,3% en Irlande, 24,1%
en Grèce, 15,2% en Espagne, 14,9% au Portugal. L’Espagne redresse sa balance commerciale
mais ne parvient pas à endiguer ses autres déficits.
En vérité, les
gouvernements européens, qu’ils soient de droite ou sociaux-libéraux, essaient
de nous faire croire que la crise serait due à un excès de dépenses publiques
et sociales alors qu’elle est de la seule responsabilité des multinationales et
des banques. Les faits montrent qu’une telle orientation conduit à l’échec.
Elle enfonce toute l’Europe.
* Chronique de Pierre Ivorra publiée dans l'Humanité du 17 septembre 2013
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