Récupération politique

Après l'émotion et la compassion légitimes, l'instrumentalisation politique à des fins sécuritaires prend le dessus dans l'affaire d'Agnès. Laurent Mucchielli (sociologue, spécialiste de la délinquance) évoque une récupération évidente et des annonces pas pertinentes dans ce point de vue* (intégralité sur humanite.fr) .
 
"On est dans une récupération politique classique. Chaque année des faits divers s'imposent dans l'actualité, avec un niveau d'audience médiatique très important. C'est là que le politique s'enclenche. On l'a vu déjà en janvier dernier avec l'affaire Laëtitia. Et comme souvent en pareil cas, les annonces politiques qui suivent ces faits sont totalement déconnectées de la réalité. Elles prennent trois formes principales: 
- les déclarations de principe, comme celle de François Fillon lundi, qui a dit vouloir faire de la lutte contre le récidive "une priorité", comme si ce n'était pas déjà le cas
- deuxième réthorique, le discours sur les "dysfonctionnements" de la justice et, en l'espèce aussi de l'éducation nationale, tenu cette fois par Claude Guéant
- enfin troisième type d'intervention, le discours décalé, la proposition avancée parce qu'il faut dire quelque chose, mais qui ne s'avère pas du tout pertinente. 
Sur ce terrain se sont retrouvés le ministre de la Justice mais aussi le Parti socialiste, qui plaident pour une utilisation accrue des centres éducatifs fermés. Or ces centres ne répondent en rien à la problématique éventuellement soulevée par l'affaire Agnès. Ce sont des lieux qui visent à raccrocher des jeunes délinquants à la socialisation scolaire. Il s'agit d'une affaire criminelle rarissime, à forte dimension psychiatrique. Des cas de ce type (le viol et le meurtre d'un mineur par un autre mineur), il y en a entre 0 et 1 par an.
Le gouvernement promet par ailleurs de mieux "évaluer les criminels violents". Or le problème n'est pas un manque d'outils techniques mais de moyens humains. Lorsqu'un psychiatre, dans un service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) doit suivre 100, 120 voire 150 dossiers, le niveau de suivi est forcément très léger. Enfin, on semble oublier une chose: le risque zéro n'existe pas. Inutile de mentir aux gens là-dessus."
* publié dans l'Humanité du 23/11/2011

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