Big Brother suit de très près la réforme des retraites qui s'engage
«Souriez, les marchés financiers vous regardent.»
C’est le message concernant le projet de réforme des retraites que le directeur
général de France Trésor, l’agence chargée par l’État de placer la dette
française auprès des investisseurs, a essayé de faire passer à l’occasion d’une
récente interview au quotidien les Échos. Le grand argentier de notre dette
publique explique que, pour ces affairistes invités régulièrement à financer
notre déficit public, la réforme des retraites est «très importante» et qu’ils
la «suivent de près». Nous voilà prévenus: Big Brother nous surveille.
Manifestement, on veut faire croire aux Français qu’ils n’ont plus le choix: soit ils se plient aux exigences de la finance et ils n’auront plus droit qu’à une retraite peau de chagrin; soit ils résistent et ils ne pourront plus boucler leurs budgets publics. Pile, on perd, face, on ne gagne pas.
Manifestement, on veut faire croire aux Français qu’ils n’ont plus le choix: soit ils se plient aux exigences de la finance et ils n’auront plus droit qu’à une retraite peau de chagrin; soit ils résistent et ils ne pourront plus boucler leurs budgets publics. Pile, on perd, face, on ne gagne pas.
Mais ce chantage n’est possible que dans la mesure où
les recettes de notre système de protection sociale sont inférieures aux
dépenses. Pour couvrir ce déficit, l’Agence centrale des organismes de Sécurité
sociale (Acoss), établissement public chargé d’assurer la gestion de la
trésorerie des différentes branches du régime général, emprunte à court terme
sur les marchés financiers. Et c’est notamment cela qui donne prise au
chantage.
Mais pour équilibrer le système, plutôt que de
diminuer les dépenses, mieux vaudrait augmenter les recettes. Et plutôt que de
faire risette à la finance, il faut l’affronter.
Contrairement à ce que l’on croit habituellement, la
finance, ce ne sont pas que les banques et les fonds de toutes sortes. Comme un
mauvais virus, elle a contaminé aussi les entreprises. C’est ainsi que les
revenus de la propriété perçus en 2012 par les sociétés non financières,
c’est-à-dire, pour l’essentiel, les intérêts et dividendes qu’elles tirent de
leurs prêts, placements et participations, s’élèvent à 208,4 milliards d’euros.
Par comparaison, leur activité de production (l’excédent brut d’exploitation)
leur rapporte 288,8 milliards d’euros.
Mais sur ces ressources financières, elles ne
subissent aucun prélèvement. Si elles étaient taxées au même taux que celui
appliqué pour les cotisations, cela rapporterait chaque année environ 70
milliards d’euros à la Sécurité sociale.
Et il faut arrêter d’affirmer que les prélèvements
sociaux tuent l’investissement des entreprises. Certes, celui-ci a baissé de
0,8% l’an dernier, mais, par ailleurs, les dividendes versés ont, eux, augmenté
de 2,1% et sont supérieurs de 6 milliards d’euros aux investissements. C’est
Big Brother qu’il faut surveiller et mater.
Chronique de Pierre Ivorra, dans l’Humanité du 18 juin 2013
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