Hélas. Une noix d’onguent, une cuillère de sirop
typhon et un flot de paroles, plus ou moins ajustées...
Deux mois après le drame de Charlie et le diagnostic discutable d’un
«apartheid», dix ans après la révolte des banlieues, les mesures concoctées par
Manuel Valls s’annoncent bien loin de l’urgence sociale ressentie par les
milieux populaires. Tout devrait pourtant conduire à un véritable changement de
cap. L’austérité étiole l’activité économique et engendre une explosion du
chômage parmi les populations modestes. L’affaiblissement des politiques
sociales et les coups portés aux services publics dégradent la condition des
femmes. La conversion libérale du tandem dirigeant ne sert qu’un pôle de la
société, celui des ultra-riches qui accaparent les territoires du plaisir de
vivre. Ainsi vient-on d’apprendre que les profits des entreprises du
CAC 40 ont augmenté de 33 % en 2014 et s’approchent du record historique.
Mais elles continuent à comprimer l’emploi, à bloquer les salaires, à investir
faiblement et à verser toujours plus de dividendes aux actionnaires. Alors que
les libéraux justifient leur mot d’ordre «Riches, enrichissez-vous!» par une théorie du ruissellement de l’argent vers tous, on constate qu’il fonctionne en circuit fermé.
Ce dont souffrent les banlieues, les quartiers
populaires, les territoires délaissés, c’est de cette
inégalité croissante, du recul du droit de tous au bien-être. Hugo, toujours
Hugo : «C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches.» Vivre ensemble doit au contraire se construire sur le MIEUX vivre
ensemble, sinon il n’est qu’un feu couvant sous la cendre, une fracture
toujours plus béante. Il ne suffira donc pas de murmurer: «J’aime les pauvres », après avoir donné des preuves d’amour aux chefs d’entreprise, ni de croire dresser une génération par un passage dans le
service civique. Pas plus que de conduire des politiques de « peuplement » –
quel mot affreux pour les quartiers concernés et leurs populations ! La liberté et la fraternité ne vont pas sans l’égalité. Un mot
subversif sans doute aux yeux de Manuel Valls.
* Editorial de Patrick Apel-Muller, publié dans l’Humanité
du 6 mars 2015
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