"Le mal vient à cheval et le bonheur à
pied"
En apprenant vendredi dernier que de la viande de
cheval avait été retrouvée dans de la viande de bœuf composant certains
produits transformés distribués par la marque Findus, beaucoup de nos
concitoyens ont fait un constat édifiant: l’origine des ingrédients
alimentaires de la plupart des produits transformés est tout simplement
inconnue. Sans doute ont-ils découvert aussi les circuits de commercialisation
de la viande, et en particulier du «minerai», ces parties les moins nobles
utilisées le plus souvent hachées. L’itinérance entre le producteur et le
consommateur est révélatrice du système: abattoirs, traders, société
commerciale, usine alimentaire, marques généralistes et grande distribution. Si
la traçabilité peut permettre d’identifier tout ce beau monde, de six
nationalités différentes, force est de constater que cela fait beaucoup du pré
jusqu’à l’assiette.
Renoncements politiques
En réalité, nous touchons, aujourd’hui, les fruits de
trop nombreuses années de renoncements politiques: abandon de la régulation des
échanges agricoles, déréglementations successives dans le secteur commercial,
coupes claires dans les moyens affectés à la sécurité sanitaire de
l’alimentation et à la répression des fraudes... L’image était d’ailleurs
saisissante de voir sur les plateaux de télévision, dès le lendemain de
l’annonce de cette affaire, d’anciens ministres de l’Agriculture déplorer
l’absence de règles et de contrôles sur les importations, ou de normes sur
l’étiquetage de l’origine. Autant de sujets qu’ils n’ignoraient pourtant pas
lorsqu’ils étaient en fonction!
Me reviennent en mémoire les échanges avec l’ancienne
majorité, notamment en octobre 2011, lors de l’examen du projet de loi «visant
à renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs»,
quand je défendais un amendement visant à rendre obligatoire l’indication du
pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de
la mer, à l’état brut ou transformés. Un amendement rejeté, une fois encore,
sous prétexte qu’il était incompatible avec le droit communautaire. Pourtant,
l’article 3 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et
de la pêche prévoyait déjà cette possibilité, mais le décret d’application
n’est jamais paru.
Et quelle hypocrisie, lorsque l’on oublie sciemment
de revenir sur les suppressions d’emplois massives de la révision générale des
politiques publiques (RGPP) à la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ou sur les coupes
successives dans les moyens consacrés à la sécurité de l’alimentation dans les
budgets de l’agriculture! Dès mars 2008, j’avais dénoncé par une question
écrite le non-remplacement des départs à la retraite des agents de la santé
publique vétérinaire (600 postes supprimés). J’avais renouvelé mes
interpellations au ministre à deux reprises, en janvier 2009, puis en août
2009, en pointant les risques que ces choix politiques faisaient peser en
matière de sécurité sanitaire des aliments. S’il y a «un ménage à faire», comme
l’affirme Stéphane Le Foll, nouveau ministre de l’Agriculture, il y a sans
doute aussi des moyens à recouvrer pour le service public dans ce domaine.
Mais nous touchons surtout, avec cette nouvelle
«affaire», le cœur de la problématique agricole européenne et mondiale.
Continuons-nous sur la voie d’une agriculture laissée aux arbitrages des
marchés, où les produits alimentaires deviennent des marchandises comme les
autres, sujets à toutes les manipulations financières? Le marché des matières
premières agricoles est devenu le nouveau champ des pratiques prédatrices des
spéculateurs: de 15 milliards de dollars en 2003 à 200 milliards de dollars en
2008. De même, allons-nous laisser notre politique de l’alimentation aux mains
du secteur agroalimentaire et de celui de la grande distribution, guidés tous
deux par les logiques de rentabilité, où les stratégies de marges conduisent à
abandonner les productions locales, nationales, voire européennes, au profit
d’importations massives?
Banir les intermédiaires
Nous le voyons avec ce «cheval de discorde», il est grand temps d’agir pour un nouveau modèle agricole européen. Ce n’est pourtant pas la voie que semblent choisir les chefs d’État et de gouvernement européens lorsqu’ils s’accordent sur un budget européen au rabais, avec des coupes claires pour la PAC 2014-2020. Au contraire, il faut faire preuve de volonté pour porter une réorientation de notre modèle agricole et alimentaire vers des productions relocalisées, pour une présence agricole forte sur tous nos territoires, avec des exploitations à taille humaine, fournissant l’essentiel des besoins alimentaires des Européens en quantité et en qualité.
L’obligation de la mention de l’origine pour l’ensemble des produits agricoles dans les produits transformés est un premier pas, que nous continuerons de pousser avec le dépôt d’une nouvelle proposition de loi des députés du Front de gauche dans les jours qui viennent. Il faut aussi faire preuve de courage politique pour bannir les intermédiaires inutiles et les financiers des circuits agricoles. C’est l’objet de l’amendement n°112 que nous avons déposé sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. «Le mal vient à cheval et le bonheur à pied.» Ce proverbe n’aura jamais aussi bien matérialisé le sens du nouveau défi agricole et alimentaire qui s’impose à l’Europe aujourd’hui. Mais, là aussi, les petits pas gouvernementaux ne suffiront pas.
Banir les intermédiaires
Nous le voyons avec ce «cheval de discorde», il est grand temps d’agir pour un nouveau modèle agricole européen. Ce n’est pourtant pas la voie que semblent choisir les chefs d’État et de gouvernement européens lorsqu’ils s’accordent sur un budget européen au rabais, avec des coupes claires pour la PAC 2014-2020. Au contraire, il faut faire preuve de volonté pour porter une réorientation de notre modèle agricole et alimentaire vers des productions relocalisées, pour une présence agricole forte sur tous nos territoires, avec des exploitations à taille humaine, fournissant l’essentiel des besoins alimentaires des Européens en quantité et en qualité.
L’obligation de la mention de l’origine pour l’ensemble des produits agricoles dans les produits transformés est un premier pas, que nous continuerons de pousser avec le dépôt d’une nouvelle proposition de loi des députés du Front de gauche dans les jours qui viennent. Il faut aussi faire preuve de courage politique pour bannir les intermédiaires inutiles et les financiers des circuits agricoles. C’est l’objet de l’amendement n°112 que nous avons déposé sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. «Le mal vient à cheval et le bonheur à pied.» Ce proverbe n’aura jamais aussi bien matérialisé le sens du nouveau défi agricole et alimentaire qui s’impose à l’Europe aujourd’hui. Mais, là aussi, les petits pas gouvernementaux ne suffiront pas.
par André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme, Président du groupe Communistes, Républicains, Citoyens
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