A la veille du
deuxième tour de la présidentielle, le Conseil Constitutionnel a abrogé la loi
sur le harcèlement sexuel. Comment a-t-on pu
parvenir à une telle situation ?
- Gérard Ducray,
avocat, encarté UMP,
ex-secrétaire d’État,
condamné pour harcèlement sexuel, dépose une question de
constitutionnalité. Il juge la définition du harcèlement sexuel imprécise et contraire à la Constitution.
- En 1992, la
France a voté une loi sur le harcèlement sexuel, infraction qui ne
figurait auparavant ni au Code du Travail ni au Code Pénal. Cette loi jugée insuffisante par les féministes ne
définit pas le harcèlement et la restreint à une personne ayant des fonctions d’autorité.
- La loi a été
modifiée à plusieurs reprises et notamment en 2002 (loi de modernisation
sociale). L’abus
d’autorité
disparaît, le harcèlement sexuel peut venir d’un collègue ou d’un client, mais la
définition reste insatisfaisante: «Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature
sexuelle est puni…»
- En 2002, le
Parlement Européen et le Conseil de l’Union Européenne adoptent une directive qui définit
le harcèlement sexuel: «situation dans laquelle un comportement non désiré à
connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non
verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la
dignité d’une
personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile,
dégradant, humiliant ou offensant.» Le harcèlement peut être aussi constitué
par un fait isolé. La France censée
transposer cette directive dans le droit français avant le 5 octobre 2005 ne le
fait pas.
- En 2006, la
Commission Européenne adopte une nouvelle directive sur les discriminations et
y inclut le harcèlement sexuel. La France, qui doit présider l’UE au 1er juillet
2008, transpose en urgence (le 27 mai 2008) les deux directives en
tant que discrimination, ce qui ne modifie pas le Code Pénal et le Code du Travail. Le refus de modifier la loi sur le harcèlement sexuel est évident!
- Il est confirmé lors du vote de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux
femmes. En février, l'Assemblée Nationale la vote à l’unanimité. En juin, le Sénat, bras armé du gouvernement, rejette un article s’inspirant largement de la
définition de la directive.
«Le fait de
replacer la décision du Conseil constitutionnel dans ce contexte démontre son
caractère particulièrement cynique: elle s’appuie sur des critiques fondées, que tous les
pouvoirs ont refusé sciemment de prendre en compte auparavant, pour laisser un
vide juridique béant et autoriser de fait les comportements de harcèlement
sexuel. Car ce qui n’est
pas interdit est autorisé.» s’indigne Suzy Rotjam du Collectif National
pour les Droits des Femmes.
Toutes les
procédures en cours sont stoppées. Si les faits ne sont pas touchés par la
prescription de trois ans, les victimes peuvent redéposer plainte pour harcèlement moral ou agression sexuelle. Une autre solution est d'attendre une nouvelle loi qui pourrait être une véritable loi-cadre
contre les violences faites aux femmes, comme en Espagne. Il y a cependant urgence en raison de la prescription.
Il est impensable qu'au pays des Droits de l'Homme, cette situation perdure!
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