Protection
des données: la justice condamne hackeur perdu
La cour d’appel de Paris vient de condamner un internaute coupable d'avoir accédé à des fichiers en libre accès.
Un
journaliste blogueur condamné pour avoir téléchargé des documents en libre
accès? C’est possible et ça se passe dans la cyber-France de 2014. Olivier
Laurelli, alias Bluetouff sur internet et les réseaux sociaux, vient d’en apporter
la preuve en écopant de 3000 € d’amende devant la cour d’appel de Paris. Son
crime? S’être baladé sur internet au hasard d’une enquête et avoir
malencontreusement croisé des fichiers de l’Agence
nationale de sécurité
sanitaire (Anses). «C’est environ une semaine après avoir téléchargé les
fichiers que je me suis décidé à publier un article compilant tous les
documents», explique-t-il sur un blog retraçant l’histoire. Son but: pointer du
doigt l’inconséquence des services informatiques qui permet à des documents
internes de circuler sur la Toile sans la moindre barrière de sécurité. Peu
reconnaissante de cette prestation gratuite, l’Anses lance alors des poursuites
contre Olivier, provoquant une enquête de la direction centrale du
renseignement intérieur (DCRI) et une garde à vue de trente heures. Rien de
moins.
Face
à l’absurdité de la situation, c’est tout naturellement que le tribunal de
Créteil (Val-de-Marne) le relaxe. Difficile, en effet, de condamner quelqu’un
pour vol de documents libres…
Mais, en avril 2013 et à la surprise générale, le parquet
fait appel. «Il n’y a aucun trouble à l’ordre public, ni aucun accès frauduleux
à ces documents», rappelle Olivier Iteanu, l’avocat du blogueur. «Il s’agit là
d’un acharnement judiciaire incompréhensible.» Et surtout dangereux, s’il
devait faire loi. «Demain, n’importe qui pourrait être inculpé pour avoir
simplement téléchargé ou consulté des documents sur un site Web en libre accès,
explique Olivier Laurelli. Que ce soit pour un journaliste ou pour n’importe
quel citoyen, c’est une sanction déraisonnable.» Et d’autant plus incroyable
qu’elle frappe non pas un dangereux hackeur qui passe son temps à pirater les
comptes courants des grands-mères désargentées, mais un expert informatique qui
dénonce, entre autres dossiers, les entreprises françaises qui vendent des
armes électroniques aux riantes dictatures, telle la Libye de Kadhafi ou la
Syrie de Bachar. Ces dernières s’assurant une chasse miraculeuse des opposants
qui utilisent Internet comme outil de résistance. «Les mots ont un sens, comme
ce mot hackeur que l’on lit dans la plainte un peu partout associé à mon
pseudo, explique encore Olivier Laurelli. Dans l’esprit de nombreux juristes
pas forcément versés dans la cyberculture, ce mot hackeur a un raccourci
malencontreux, celui de cybercriminel.» Le blogueur a décidé de se pourvoir en
cassation. Hackeur à suivre…
* article
de Joseph Korda publié dans l’Humanité du 7 février 2014
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